Médiumnisme oraculaire
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Médiumnisme oraculaire |
Les oracles dominent tout l’horizon civilisé. Ils constituent pratiquement le centre
d’orientation de toute la vie urbaine et rurale, politique et religieuse. Mais qu’est-ce qu’un
oracle ? Sa définition n’est pas simple, ce qui montre la nature transitoire de ces institutions
religieuses. Les anciennes formes de relations médiumniques évoluent vers de nouvelles
formes et pour cette raison trouvent, dans leur constitution oraculaire, évidemment
syncrétique, motif à des interprétations diverses, rendant ainsi difficile une définition.
L’oracle est parfois la Divinité en personne, parfois la réponse donnée aux consultations, le
sanctuaire ou le temple, le médium qui reçoit les consultants, ou le lieu des consultations : un
bois sacré, une grotte mystérieuse, une source miraculeuse. Le mot sert à désigner toutes ces
choses, une à la fois, ou toutes en même temps. Parce que la mentalité populaire ne sait pas
encore distinguer la force mystérieuse qui agit, ni ses moyens d’action. La Divinité peut elle
même parler comme elle peut être incarnée dans le sanctuaire, dans le temple, dans le trépied,
dans la pythonisse ou dans les éléments de la nature.
Les oracles sont recherchés par tous : rois et sages, guerriers et commerçants, hommes et
femmes du peuple. Tous croient en l’oracle parce que tous reconnaissent et respectent la
présence d’une force surnaturelle dans ces endroits sacrés. La « loi d’adoration », traitée par
Kardec, atteint avec l’oracle une forme de synthèse, réunissant les conquêtes effectuées tout
au long de son évolution dans les horizons antérieurs. Nous trouvons là, entremêlées, les
formes successives de développement de la loi rencontrée dans l’horizon tribal et dans
l’horizon agricole. La conception animique du médiumnisme primitif, le culte des ancêtres, la
déification des éléments naturels peuvent être facilement identifiés. Les propres éléments
larvaires, rudimentaires, de la magie et de la religion sont ici présents : la litholâtrie, la
phytolâtrie, la zoolâtrie, dans l’adoration de pierres, d’eaux, d’arbres et de bois, d’animaux et
de divinités semi-animales.
D’un autre côté, les conquêtes mentales de l’homme, pendant la longue évolution qui s’est
produite de l’ère tribale à la civilisation, constituent la force qui soude ces éléments. La
capacité d’abstraction mentale, le développement éthique et la formulation de normes
juridiques, responsables de l’individualité, modèlent les éléments qui se sont agglutinés
donnant ainsi une structure complexe au processus de communication médiumnique. Le
phénomène naturel d’échange médiumnique devient artificiel. Le processus de rationalisation,
d’un autre côté, exige l’élaboration de cosmogonies. Donc, les oracles ne sont pas des formes naïves de culte religieux ou des simples lieux de consultation médiumnique. Leur structure,
souvent assez compliquée, est basée sur une conception du monde.
La nature floue de cette conception correspond à la propre nature syncrétique de l’institution
oraculaire. Le phénomène médiumnique apparaît chez elle comme un mystère. Rien ne
l’explique, ni ne peut l’expliquer, ni ne doit s’aviser de le faire. Le tabou tribal s’impose avec
force et vigueur, d’autant plus qu’il est déjà développé d’une manière rationnelle qui est la
conception du sacré. L’humanité se trouve dans cette phase comme un adolescent qui
reconstruit dans son for intérieur les rêves, les peurs et les espoirs provenants des premières
visions du monde extérieur. La phase enfantine d’indifférenciation psychique, vécue
collectivement dans l’horizon tribal, exerce encore son influence sur les cosmogonies
oraculaires.
Il est curieux de remarquer qu’il n’y a pas, chez les oracles, ce que nous appelons
d’individualisation médiumnique. Malgré l’existence du médium, parfois appelé oracle,
parfois pythonisse et malgré l’existence d’une entité communicante, les messages sont donnés
à travers des processus impersonnels. Parfois c’est le murmure de la source qui répond au
consultant, parfois c’est le bruissement d’un bois ou les sons mystérieux d’une grotte et
lorsque c’est le médium qui répond directement, sa réponse imite les rumeurs confuses de la
nature. Dans tous les cas, la réponse dépend de l’interprétation sacerdotale. Il y a, néanmoins,
un corps sacerdotal qui répond de manière collective, aux consultations oraculaires. Les
exceptions représentent des cas de progrès du processus évolutif dans le sens de
l’individualisation.
Le médiumnisme oraculaire est donc une forme de transition vers le culte individuel des
Esprits, qui à son tour va exiger l’individualisation médiumnique, déjà définie dans des cas
particuliers, comme celui de la Pythie d’Endor, cité dans la Bible. L’Histoire des religions
nous montre que le culte des ancêtres a d’abord été collectif, les esprits des morts ont été
considérés dans leur ensemble et adorés, ainsi comme dans le cas des « parentum » et des
« mânes » romains. L’individualisation s’effectue lentement, faisant évoluer les collectivités
humaines, comme des enfants en développement, de l’ « indifférenciation psychique » vers
les phases supérieures de la rationalisation. Les oracles représentent, dans l’horizon civilisé,
ce moment de transition.
(Extrait de L’espirit Et Le Temps - chapitre 1ère - Horizon tribal et médiumnisme primitif - J. Herculano Pires)
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